Quarante-six ans après John, quarante ans après Bob, le dernier des trois frères Kennedy est mort. Au début, c'était le vilain petit canard du trio, éclipsé par le charismatique John et le survolté Bob, relégué au second plan par leur père, l'inquiétant Joe, dont la fortune était pour le moins suspect et le caractère, pas des plus doux.
Edward M. Kennedy (plus connu sous le nom de Ted) a cependant été propulsé en politique par la volonté de consolider la dynastie : élu président des États-Unis, John Fitzgerald Kennedy avait dû démissionner, en 1958, du mandat de sénateur du Massachusetts qu'il avait conquis depuis peu. Bob était attorney-general et entendait le rester pendant toute la mandature de son frère ; c'est donc Ted qui s'y est collé. Il n'a pas été nommé en remplacement de John dès 1958, la loi de l'État ne le permettant pas, mais s'est présenté avec succès lorsque le siège a été de nouveau soumis au suffrage, en 1962. Dans ces conditions, Ted a été élu. On en attendait peu, il a fait beaucoup.
La tombe de Bob Kennedy, Arlington National Cemetary, VA, décembre 2005.
John et Bob tous deux assassinés, ce dernier alors qu'il s'apprêtait à affronter Richard Nixon pour l'élection présidentielle de 1968, Ted s'est retrouvé seul en piste. La chose aurait pu être de courte durée : en 1969, de retour d'une fête, sa voiture quitte la route et tombe d'un pont ; la jeune femme qui l'accompagnait est tuée, lui quitte les lieux sans prévenir la police : scandale, il risque la prison, est finalement condamné à une peine de deux mois avec sursis, peut conserver son poste. Dès lors, il reconstruit sa carrière, devient un parlementaire actif et assidu ; surtout, alors que les années Nixon marquent l'émergence d'une droite dure et le reflux des idées progressistes qui avaient animé ses frères, il se pose en pilier de la lutte contre la réaction. Après s'être opposé à Nixon, il se présente contre Carter à la primaire de 1980, lui reprochant d'avoir abandonné les plus faibles face aux effets de la crise économique. Il perd ; Carter aussi, à l'élection générale ; pendant les douze années qui suivent, il est une voix majeure de la gauche du parti démocrate au Congrès.
Les années Clinton sont pour lui des années paradoxales : au sein du parti démocrate, pas encore réparé de sa fracture de 1980, les Clinton sont clairement marqués comme des Kennedy people par opposition aux Carter people (le couple Clinton avait activement participé à sa campagne pour l'investiture. C'est toutefois une ligne politique centriste, bien éloignée de la sienne, qui est portée à la Maison blanche ; l'échec d'Hillary Clinton à mener à bien la réforme de l'assurance santé, l'un de ses dossiers fétiches, n'a pu qu'accentuer sa déception. Il faut attendre les catastrophiques mandats de George W. Bush pour qu'il retrouve sa pleine stature, face à la « révolution conservatrice » qui semble triompher.
En 2008, durant la rude primaire démocrate, dernier acte politique, mais pas des moindres : on l'attendait dans le camp d'Hillary Clinton, de même qu'en 2004 il avait fait le choix de son collègue du Massachusetts John Kerry contre Howard Dean (ancien soutien de Carter, il est vrai) ; il mise au contraire sur Obama et met tout son poids politique dans la balance. C'est le tournant de la campagne ; on connait la suite. Enfin, jusqu'à maintenant, au moins.
On le savait atteint d'une tumeur au cerveau et condamné à brève échéance ; sa mort n'est donc pas une surprise. La surprise, finalement, c'est l'ampleur des réactions suscités par cette mort, qui montre la stature qu'il avait acquis dans la sphère politique. Il sera enterré pas très loin de ses frères, au cimetière national d'Arlington.
Si vous ne vous intéressez ni de près, ni de loin, à la politique américaine, vous avez sûrement arrêté de lire cette entrée depuis longtemps. Si vous êtes toujours là, rassurez-vous : demain je parlerai de musique.
Le Plume vous salue bien.
Boîtier Pentax MZ-10, objectif SMC Pentax-M 35-80mm f:4-5.6.
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