11 mai 2010

Le parlement suspendu

Une production à suspens : les négociations post-élections en Grande-Bretagne. Lu le Guardian en déjeunant ce midi ; c'était poilant. La conclusion de l'histoire ce soir était moins à ma convenance, mais ce n'est qu'un épisode : la suite des événements devrait être plutôt agitée elle aussi.


Près ds ruines du West Pier, Brighton, East Sussex, octobre 2004.

Rappel des faits : alors que les conservateurs étaient donnés largement gagnants par les sondages, ils restent en deçà de la majorité absolue à la chambre des Commune : c'est ce qu'on appelle un Hung Parliament, le Parlement suspendu. Ce qui me rappelle forcément Le château suspendu, un des meilleurs épisodes de Philémon, mais c'est une autre histoire.

Donc : il faut trouver une majorité. Contrairement à ce qui se passe en Allemagne, ce genre de négociations n'est pas vraiment dans les mœurs, et personne ne sait trop comment s'y prendre - même si tout le monde sait qu'il faudra une alliance avec le parti charnière des Liberal Democrats, bien contents de l'aubaine. Problème : ils sont plus proche politiquement des travaillistes, mais ce sont les conservateurs qui sont arrivés en tête ; la logique voudrait donc qu'ils forment le gouvernement - d'autant que l'addition des lib dems et des travaillistes ne donne pas de majorité absolue. Les négociations entre Lib dems et tories sont plutôt rudes, ces gens se détestant cordialement.

Coup de théâtre hier soir : Gordon Brown annonce qu'il démissionne de la tête du parti travailliste, et que par conséquent si un gouvernement de coalition Labour/Lib dem se forme, ce sera sans lui ; or, sa personne était un point de frictions avec les lib dems. Du coup, la discussion reprend plein pot de ce côté là ; on réalise d'ailleurs que, finalement, une quasi-majorité est trouvable, compte tenu de la non-participation aux travaux du Parlement des élus nord-irlandais du Sinn Fein et du ralliement probable de quelques élus de formations marginales.

Résultat, les conservateurs, quoi que furieux du tour qui leur est joué, augmentent la mise, proposent maintenant des postes ministériels aux Lib dems, et la promesse d'un changement du mode de scrutin... Comme il était prévisible, les négociations des Lib dems et du Labour traînent et finissent par capoter, une fraction non négligeable des travaillistes préférant une cure d'opposition à un accord à tout prix (un éminent travailliste, David Blunkett, qualifiant les libéraux-démocrates de harlots, mot délicieusement suranné mais pas très gentil tout de même.

En face, là aussi, la faction thatcherienne pure et dure du parti conservateur se déclare opposée à un accord. Mis la situation est différente : les tories ont été si longtemps loin du pouvoir qu'ils ne peuvent laisser passer cette chance. Du coup, ils font énormément de concessions, au point qu'un élu Lib dem trouve ça « presque gênant » et qu'un autre considère que les conservateurs ont purement et simplement gommé leur programme de campagne et collé celui des Lib dems à la place :

I can't believe how much they've offered us. The Tories have basically rubbed out their manifesto and inserted ours. We'll have to cope for four or five years with our flesh creeping, but still. (cité par le Guardian)
La dernière phrase en dit long sur l'amour qui règne entre les partenaires...

Ce soir, c'est fait : Cameron est premier ministre ; Clegg (Nick, le leader des Lib dems, pas Johnny) vice-premier ministre et son parti devrait obtenir cinq ou six autres portefeuilles. Mais combien de temps cet équilibre ce maintiendra-t-il ? Théoriquement, pour quatre ans, mais il suffirait d'une fronde d'une partie des députés conservateurs pour que tout s'effondre - et l'on peut douter que la base très droitisante du parti apprécie beaucoup les premières déclarations de Cameron à la porte du 10 Downing Street, franchement centristes. Voilà un gouvernement qui s'annonce digne des meilleurs épisodes de Fawlty Towers !

Le Plume vous salue bien.

Appareil numérique compact Canon Ixus 400 (image recadrée).

Gilbert & Sullivan, Patience (opéra comique en deux actes), acte II, 20 : « After Much Debate Internal ».

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