10 décembre 2005

Acier

Aujourd'hui, on trouve de l'acier partout. Voitures, trains, rails, ciseaux, clous, marteau... La majorité des objets en métal que nous manipulons sont fabriqués en acier. Acier spécial, parfois : inoxydable, au tungstène ou au carbure de molybdène ; ou alors de l'acier de base, peut-être galvanisé pour éviter la rouille : cornières, tôles ondulées... Dans les villes comme dans les campagne, nos paysages sont peuplés d'acier.


Manhattan, Broadway & 125th, septembre 2004.

Comme vous me connaissez, vous savez ce quye je vais dire : qu'il n'en a pas toujours été ainsi. J'ai passé ma journée, avec beaucoup de plaisir, au colloque international « l'acier en Europe avant Bessemer » à entendre parler de cette époque où, s'il y a moins d'objet en fer, il y en a surtout une proportion infime qui sont fait d'acier. Petit compte-rendu...

Consultons le Larousse : Bessemer (Sir Henry). Charlton, Hertfordshire, 1813 - Londres 1898. Industriel britannique. Il mit au point un procédé économique de transformation de la fonte en acier (1855) qui s'est imposé. Le procédé Bessemer n'est pas le seul à avoir fait de l'acier une production de masse (l'acier sur sole, procédé Siemens éventuellement modifié Martin, est au moins aussi important d'un point de vue économique), mais il est le premier. À partir de là, l'acier devient un produit courant et progressivement la forme la plus employée du fer.

Rappelons les bases : l'acier, c'est du fer avec un peu de carbone (moins de 2%). Un alliage donc, même si les métallurgistes prèfèrent parler de solution solide de carbone dans du fer. S'il n'y a pratiquement pas de carbone, on parle de fer tout court ou, par convention, de fer forgé. S'il y en a plus de 2%, c'est de la fonte. Des trois, l'acier est le seul à combiner dureté et élasticité, ce qui est tout de même intéressant.

Avant Bessemer, donc, que fait-on ? Plusieurs possibilités. Si on utilise la méthode de réduction directe (sans passer par la fonte), comme dans le procédé à la catalane dont parlaient aujourd'hui Jean Cantelaube (université de Toulouse-le Mirail) et Olivier Codina (ministère de la culture d'Andorre), on obtient, si on s'y prend bien, une certaine proportion d'acier dans la loupe produite. On la casse en morceau et on fait le tri, en forgeant ensuite ensemble les morceaux qui vont bien. Par contre, dans le procédé indirect, ce qu'on obtient, c'est de la fonte. Si on veut produire du fer forgé, pas compliqué : on réchauffe les gueuses de fonte sous le vent d'un soufflet pour en brûler le carbone, ensuite, on bat le fer pendant qu'il est chaud et le tour est joué : c'est l'affinage. Mais si ce qu'on veut, c'est de l'acier, c'est moins simple. On a deux possibilités : essayer d'extraire la majeure partie du carbone mais en en laissant un peu, ce qui n'a rien d'évident, la décarburation n'étant pas quelque chose de simple à ne faire qu'à moitié - c'est ce que faisaient par exemple les aciéries de Rive-de-Gier. Sinon, on décarbure complètement et on remet du carbone après. On appelle ça la cémentation ; c'est un procédé connu depuis le haut moyen-âge mais qu'on commence à appliquer à grande échelle en Angleterre vers la fin du XVIIème siècle - un excellent exposé de Chris Evans (université de Glamorgan) montrait clairement le développement des aciéries à Sheffield et Birmingham à cette époque, pour transformer en acier le fer en barre importé de Suède et de Russie.

Du coup, évidemment, l'acier est très cher, même si du fait de la montée des aciéries britanniques il connait une forte baisse au XVIIIIème siècle ; il se vend d'ailleurs en petites quantités, avec toute une game de qualités en fonction de l'usage voulu. On n'utilise pas le même acier pour faire une lime ou pour faire un ressort de montre - ou une lame de rasoir, d'ailleurs.

L'exposé final, par Helen Clifford, de l'université de Warwick, rappelait le prestige qu'avait encore l'acier au XVIIIème siècle : on a alors une vague de la bijouterie en acier taillé ; pas de la joaillerie de haut de game, certes, mais des boutons, boucles et broches, parés de cabochons d'acier dont les facettes reflètent la lumière. À en croire une gravure publicitaire d'époque, l'effet est imparable : face au rayons de lumière émanant de l'habit que le gentleman a fait orner de boutons d'acier taillé, la jouvencelle tombe en pamoison. C'est quelque chose, tout de même !

Le Plume vous salue bien.

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