27 décembre 2005

Capitole

On s'imagine facilement, en France, que le président des États-Unis est un monarque absolu, ou presque - parceque la représentation extérieure est de sa responsabilité sans partage, mais aussi parceque contrairement à ce qui se passe dans la plupart des pays d'Europe, le pouvoir exécutif n'est pas réparti sur deux têtes, un chef d'État et un chef de gouvernement responsable devant le parlement. Il n'y a d'ailleurs pas de gouvernement au sens européen du terme : les réunions des secretaries qui forment le cabinet sont largement une formalité, sauf dans un ou deux cas précis. Le pouvoir exécutif est donc d'avantage concentré sur la personne du président qu'il l'est chez nous - il est, par contre, en grande partie compensé par un pouvoir législatif qui, parce qu'il ne choisit pas l'exécutif, en est réellement indépendent.


Le Capitole vu du perron de la bibliothèque du Congrès, hier, 16:01 :GMT.

Rappelons que ce pouvoir est divisé en deux chambres, théoriquement égales : le sénat (deux sénateurs par État élus pour des mandats de six ans) et la chambre des représentants (435 représentants élus tous les deux ans par districts ; chaque Ètat a un nombre de représentant proportionnel à sa représentation). Théoriquement égales : les sénateurs ont un plus grand prestige, ne serait-ce que parce qu'ils sont moins nombreux ; ils ont de plus le pouvoir de confirmer (ou non) certaines nominations faites par l'exécutif - notamment les juges fédéraux, dont ceux de la cours suprême, comme bien l'on sait. Par contre, le speaker of the house, qui préside aux débats de la chambre des représentants, est considéré comme le porte-parole officiel du congrès ; il est amené à succéder au président si le président et son vice-président ne sont plus en mesure de remplir cette fonction.

Je parlais de l'indépendance du congrès ; elle n'est pas toujours évidente, surtout lorsque le président et les deux chambres du congrès sont tenues par le même parti - même si la notion de discipline de parti n'existe guère ; personne ne songerait à faire le reproche à un homme politique d'être en désaccord avec son parti ; tout ce qu'il risque, c'est de ne pas être réélu. Il peut surtout arriver que le congrès choisisse de laisser la main au président : ça a été le cas dans les années qui ont suivi le 11 septembre, avec les résultats que l'on sait. On n'en est plus là aujourd'hui : la popularité du président est au plus bas et les mid-term elections approchent. Les discussion sur le renouvellement du Patriot Act ont montré que démocrates et républicains modérés avaient retrouvé leur faculté d'opposition ; la frange ultra-religieuse des républicains a réussi quant à elle à faire échouer la nomination d'Harriet Myers à la cours suprème, montrant ainsi qu'elle n'entendait pas faire de cadeaux. Du coup, les institutions reprennent leur fonctionnement normal : les chambres négocient entre elles et avec la maison blanche.

Où je veux en venir ? À ce que le président des États-unis a, finalement, moins de pouvoir que le président de la république française quand ce dernier a un premier ministre de son camp - et la réforme du quinquénat (encore une imbécilité de Jospin, qu'il ne sorte pas de l'île de Ré celui-là), en couplant élection présidentielles et législatives, a diminué la probabilité d'une cohabitation. Ce qui ne veux pas dire que les décisions prises par le couple président/congrès soient plus louables que les décisions que prendraient le seul président (pour des raisons électorales, la chambre des représentants a une nette tendance au protectionnisme, par exemple), mais ceci est une autre histoire. Si l'on veut conchier le pouvoir américain, ce qui est le droit de chacun, il vaut mieux savoir comment il fonctionne, non ?

Sinon, un bon conseil : si vous vous promenez sur Capitol Hill un jour de congé fédéral (le 26 décembre a été déclaré ferié pour compenser la perte de deux jours feriés tombant un dimanche), débrouillez-vous pour ne pas avoir besoin de toilettes. Lao Tseu a dit : « la souffrance est éphémère, » mais tout de même, le footing vers Union Station dans ces conditions, je m'en serais volontiers passé...

Le Plume vous salue bien.

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