03 décembre 2005

Métal et construction

...au moyen-âge : tel était le sujet du séminaire « énergie et matériaux » de l'équipe d'histoire des techniques de Paris 1 cet après-midi. Des tas de choses intéressantes, par exemple sur l'usage (très abondant) du fer dans les cathédrales gothiques ou du plomb comme joint souple pour les bases et chapiteaux de colonnes, etc. En conclusion, exposé de notre tout nouveau professeur émérite et ancien directeur, Paul Benoit, sur les autres régions et les autres époques, qui notamment mettait en évidence quelque chose que j'avais eu sous les yeux des dizaines de fois sans le voir : la fréquence considérable des tirants de fer, parfaitement visibles, dans l'architecture médivale de l'aire méditerranéenne, notamment en Italie.


Bergamo, Convento di San Francisco, XIIIème siècle, juillet 2005.
Noter les tirants d'un pilier à l'autre, en travers du déambulatoire.

C'est vrai dans le cas du cloître de l'ancien couvent des franciscains de Bergame (qui était fermé ce jour-là, mais on avait oublié de fermer la porte et nous n'avions pas vu les horaires), vrai aussi, de manière spectaculaire, pour le Palazzo della ragione de cette même ville, daté du XIIème siècle, avec de très longs tirants traversant tout le bâtiment ; pour les loggie multiples et variées ; et bien sûr dans les églises et cathédrales, qu'elles soient médiévales ou plus récentes : les barres de fers, consciencieusement cachées dans nos cathédrales gothiques, scandent ici le haut des nefs, en pleine vue. D'ailleurs, regardez une des annonciations de Fra Angelico : les tirants métalliques du bâtiment vont de soi pour le peintre ; ils forment même un cadre qui souligne la perspective et indique le point de fuite - qui se trouve en haut de la fenêtre de la pièce du fond, comme Madame Plume me l'a fait remarquer.

Dans l'aire culturelle française, cependant, si le fer se fait de plus en plus abondant dans l'architecture, il reste caché, et ce jusqu'au XIXème siècle - le cas le plus impressionnant étant le Panthéon (XVIIIème), qui grâce au fer a le plus faible rapport poids de pierre/volume du bâtiment de l'architecture de pierre. Le fronton du bâtiment est par endroit un fin parement accroché à une armature de fer - et pourtant, pour l'œil, c'est un véritable bâtiment de pierre, à lantique... Seule partie visible de cette armature : les grands longerons de fer visibles au plafond du porche, joignant entre eux les chapiteaux de colonnes - et pour les regarder, il faut risquer un sacré torticoli.

Pourquoi la pierre est-elle restée la seule matière avouable pour les grandes structures dans nos régions, alors que le duo pierre/fer fait partie des normes architecturales en Italie, mais aussi dans le royaume de Grenade et sans doute dans les autres pays méditerranéens dès le XIIème siècle ? Voilà une question qui a bien peu de chance de trouver de réponse. En attendant, je ne vais plus pouvoir visiter d'architecture italienne sans voir le fer partout !

Le Plume vous salue bien.

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