30 octobre 2008

Alors, qui ?

Vu que tout le monde en parle (et souvent fort mal), j'en parle aussi : les élections américaines sont dans cinq jours. Je dis élections, et non élection présidentielle, puisque, comme il se doit, les États-Unis renouvellent en même temps leur chambre des représentant, ainsi que le tiers du sénat - ce ne sont pas des enjeux négligeables, loin de là. Mais restons-en à la présidentielle pour aujourd'hui.

Alors, où en est-on ? Eh bien, comme le dit la presse américaine, les démocrates sont nerveusement optimistes, et les républicains nerveusement nerveux ! Objectivement, la probabilité d'une victoire de Barack Obama est forte, et augmente chaque jour.


Entrée Nord de la Maison Blanche, Washington (D.C.), décembre 2005.

Alors, c'est vrai, les sondages se resserraient légèrement il y a deux jours. Le Monde en faisait grand cas dans son numéro d'aujourd'hui, recopiant servilement la moyenne des sondages réalisée par realclearpolitics.com - moyenne qui n'a de validité que ce qu'on met dedans, bien entendu. Mais ça n'a aucune importance, puisque la présidentielle américaine ne se décide pas au suffrage universel direct, mais par un suffrage indirect au niveau de chaque État...

Résumons : ce que prévoit la constitution, c'est que chaque État désigne un certain nombre de grands électeurs - autant que d'élus au congrès, sachant que chaque État a deux sénateurs et un nombre de représentants proportionnel à sa population : 53 pour la Californie, un pour le Vermont, le Montana ou l'Alaska. Le mode de désignation de ces électeurs est laissée à la discrétion des États ; la constitution autorise seulement le Congrès à fixer la date des élections - à l'heure actuelle, c'est le mardi suivant le premier lundi de novembre que sont désignés les grands électeurs ; ils se réunissent début décembre.

Contrairement à ce qu'on lit un peu partout, rien n'impose que tous les grands électeurs d'un État aillent au candidat ayant eu le plus grand nombre de voix dans cet État. Mais supposons que le parlement d'un État dans lequel un parti X a une forte majorité ait à choisir le mode de désignation des grands électeurs : c'est le parti X qui décide, puisqu'il est majoritaire dans le gouvernement local ; il espère qu'une majorité des électeurs votera pour le candidat de son parti ; il a donc tout intérêt à ce que tous les électeurs de cet État soient de cette couleur politique, plutôt que de les répartir à la proportionnelle, dans la mesure où rien n'impose à l'État voisin de couleur politique opposée de lui rendre la politesse.

Le Winner takes all n'est donc pas un principe constitutionnel, mais le résultat du pragmatisme politicien au niveau des États. Il y a d'ailleurs des exceptions : le Maine et le Nebraska désignent deux grands électeurs au candidat arrivé en tête au niveau de l'État, et les deux ou trois autres au candidat arrivé en tête dans chacune des circonscriptions dans lesquelles sont élus les membres de la chambre des représentants... McCain espère d'ailleurs récupérer un grand électeur dans la circonscription de Bangor (Maine), et Obama dans la celle d'Omaha (Nebraska).

Mais revenons à nos moutons : les sondages au niveau national donne certes une tendance général, mais ce qui importe, c'est ce qui se passe au niveau de chaque État. Or, les deux victoires de Bush n'ont pas été larges : celle de 2000 s'est jouée à quatre grands électeurs près, celle de 2004 à 34 (sur 538). Ce qui veux dire que si 17 grands électeurs changent de camp par rapport à 2004, les carottes sont cuites pour McCain (sachant qu'une égalité serait tranchée par le Congrès, ce qui en toute probabilité bénéficierait à Obama).

Les États ayant voté Kerry paraissent devoir voter pour Obama cette année, seule la Pennsylvanie laissant planer un doute. Par contre, à l'inverse, pas mal d'États ayant voté Bush en 2004 penchent nettement dans l'autre sens : l'Iowa et la Virginie, par exemple, qui à eux deux donneraient 18 grands électeurs ; mais aussi, dans l'Ouest, le Colorado, le Nouveau-Mexique et le Nevada. Sans parler de l'Ohio et de la Floride, respectivement septième et quatrième pourvoyeurs de grands électeurs : l'un des deux suffiraient à faire gagner Obama, s'il garde la Pennsylvanie. Et d'autres États, où Bush l'avait emporté largement, semblent vaciller : Caroline du Nord, Montana, Dakota du Nord... et même peut-être la Georgie et l'Indiana.

Il faut dire que la conjoncture est très favorable aux démocrates, et que la médiocrité de la campagne de McCain, son choix pour le moins étrange de Sarah Palin comme colistière et, à l'inverse, la rigueur de la campagne d'Obama, ne font qu'accentuer cette tendance.

On verra bien. Et j'espère que vous avez lu jusqu'au bout : il y aura interro.

Le Plume vous salue bien.

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