22 novembre 2009

Basarabye

En ce dimanche pluvieux, c'est le moment d'écouter une musique venue d'un monde disparu : le Yiddishland de l'Est de l'Europe - un monde diffus, multiple ; toujours précaire, menacé par l'invention des nationalismes, attaqué par les cosaques du Tzar, brûlé, exterminé par les Nazis et leurs complices. La plupart des survivants on quitté leur terre et leur langue pour une autre histoire et un autre continent.

Ce qui reste de cette culture, où le trouver ? Des bribes sans doute en Europe de l'Est ; ses traces dans les rues de Paris ou de New York ; la mémoire familiale au sein de cette diaspora (pour quelques générations encore !) ; sa marque culturelle aussi, sur la musique, le cinéma, les arts plus généralement.


Synagogue de la rue Notre-Dame-de-Nazareth, Paris, novembre 2009.

Place de la République, les feuilles de platane s'accumulent aux stations de vélib ; à deux pas de là, la rue Notre-Dame-de-Nazareth est vide. Sur le fronton de la synagogue, la devise républicaine : Liberté, égalité, fraternité. Bien des Juifs venus de Russie, de Pologne ou de Roumanie y on cru, à cette devise ; beaucoup l'ont payé de leur vie.

Voici donc une chanson, mélancolique et entraînante, comme l'est souvent cette musique - un air klezmer des plus connus, Basarabye, dont le titre évoque la province de Bessarabie, à peu près à l'actuelle Moldavie, entre Ukraine et Roumanie.

 

Azoyfil lider hob ikh gehert
Nor ale hobn mir deresn
Nor eyn lid iz mir geblibn
En ekkh ken im nisht fargesn

Tirl, tirl, tirl
Shpilt der pastekh oyf zayn floyer
S'iz dos lid fun Basarabye,
Finem pastekh en fin zayn troyer

J'ai tant entendu de chansons
Et de toutes je me suis lassé
Il n'y en a qu'une qui m'est restée
Celle-là, je ne peux l'oublier

Tireli, tireli, tireli
Joue le pâtre sur son flutiau
C'est le chant de Bessarabie
Du pâtre et de son chagrin

 

Geveyn amol a pastekhl, a kleyner
A kind geveyzn tsvishn kinder
Hot er geposet ba zan totn
Tsign, lemer, shof, en rinder

Hot dus pastekhl, dus kleyne
A kleyn sheyfele farlorn
Oy vey vaulyu vaulyu tit er veynen
Valulyu vaulyu tit er veynen
Vaulyu vaulyu tit er klugn

Il était une fois un pâtre, tout jeune
Un enfant parmi les enfants
De son père il menait paître
Chèvres, moutons, vaches et agneaux

Et donc ce pâtre, ce petit
Avait égaré un agneau
Oh, hélas hélas il pleurait
Hélas hélas il pleurait
Hélas hélas se lamentait

 

Di, mayn sheyne Basarabye
Land fin freyd un land fin troyer
Ven ekh drmon zekh in dayne tuln
Vi ekh veyn un ikh badoyer

Ô ma belle Bessarabie
Pays de joies et de malheurs
Quand je repense à tes vallées
Comme je pleure et me désole

(Texte yiddish par Bella Gottesman, d'après Zemerl - www.zemerl.com, traduction française approximative par votre serviteur d'après le texte anglais de Bella Gottesman.)

Le Plume vous salue bien.

Basarabye (trad. yiddish, Ytzhak Perlmann au violon, eh oui !)

1 commentaire:

heure-bleue a dit…

J'adore cette musique à en pleurer...