25 février 2005

Une ville, ailleurs (mais pas beaucoup plus chaud)

Puisque le temps s'y prête, pourquoi ne pas vous emmener au Groenland ? Le Groenland au mois d'août, rassurez-vous. Pendant les trois semaines que j'y ai passées, il n'a jamais gelé... Il n'aurait sans doute pas fallu attendre beaucoup plus, toutefois.

Je vous raconterais peut-être un jour ce voyage étrange dans ce pays qui ne l'est pas moins, à une période de ma vie passablement flottante. Mais là n'est pas mon sujet.

Fiskenæsset est une petite ville, un village plutôt, du sud-ouest du Groenland (environ 63° de latitude nord). on a du mal à parler de village dans la mesure où ces petites villes groenlandaises sont largement artificielles, nées de la volonté danoise de rassembler la population là où elle pouvait être éduquée et soignée. Cela donne ces objets urbains étonnants, sans rues car sans voitures (qu'en ferait-on pendant l'hiver ?), sans guère de plan d'ensemble, entièrement construits en bois dans un pays où il n'y a pas un seul arbre.


Fiskenæsset (ou Qeqertarsuatsiaat), août 1993.

Certaines villes, un peu plus grandes, avaient une certaine vie, étaient même franchement sympathique : Sisimiut, plus au nord ; Paamiut, un peu plus au sud. Mais Fiskenæsset était positivement sinistre. Personne, nulle part, à part un adolescent plus ou moins autiste sur une balançoire... Peut-être le plus grand nombre était-il éparpillé dans les îles alentours, profitant de la fin de l'été pour aller à la chasse ou à la pêche... Mais à Paamiut, quand nous évoquions notre passage à Fiskenæsset, on levait les yeux au ciel : la ville avait semble-t-il mauvaise réputation.

Mais peut-être cette ambiance lourde venait-elle de nous : ambiance du bord, plombée par les soucis respectifs d'un équipage pourtant réduit au minimum, par les incompatibilités d'humeur, par la fatigue aussi.

Un ou deux jours plus tard, pendant l'étape suivante, surpris par un coup de vent dans un passage délicat, nous heurtons un growler, un petit bloc de glace flottant entre deux eaux. Voie d'eau importante*, réparation de fortune, c'est après trois jours que nous rejoignons Paamiut, nos affaires trempées et le moral en berne. Mais ceci est une autre histoire.

Le Plume vous salue bien.

* Serait-ce la lecture du Lord Jim de Conrad qui me ramène à cet épisode ?

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