24 avril 2008

Salubrité publique

Passé aujourd'hui ma journée dans un commissariat. La Madame, à qui j'annonçais ça en rentrant, s''est immédiatement inquiété du délit pour lequel j'avais été appréhendé - mais non : j'étais aux archives de la préfecture de police. Lesquelles se trouve dans le bâtiment qui abrite le commissariat du 5e arrondissement, un gros immeuble grisâtre place Maubert. De même d'ailleurs qu'un musée de la préfecture dont j'ignorais totalement l'existence.

Pourquoi la préfecture de police ? Parce qu'à partir de 1806, le conseil de salubrité installé auprès du préfet était notamment en charge de faire un rapport sur toutes les installations susceptibles d'être dangereuses ou insalubres du département de la Seine, ce qui inclue la totalité des ateliers métallurgiques en raison du risque d'incendie. C'était donc ma lecture du jour : les recueil de rapports du conseil de salubrité. À première vue, une lecture plutôt sévère, comme une façade d'hôpital de ce même siècle...


Hôpital Saint-Louis, façade nord du bâtiment Lallier.

Et de fait, ni l'épidémie frappant l'école impériale vétérinaire de Maison-Alfort, ni l'emploi des carcasses de cheval pour la fabrication des colles fortes ne sont des questions propres à déclencher l'hilarité. Mais j'ai tout de même relevé un rapport assez curieux*, concernant une certaine Madame Dulac, installée au 99 rue du Faubourg Saint-Denis et qui fabrique un élixir de jouvence miraculeux dont le rapporteur ne résiste pas à l'envie de recopier pratiquement verbatim le prospectus :

Elle propose trois sortes de bains. Les premiers qui ne sont sans doute que préparatoires se nomment Bains de jouvence ordinaires et se payent 25f. chaque.

Les seconds sont décorés du nom de Bains d'Eucharis. Ils concernet la régénération, ils font disparaitre les traces de la grossesse, et remettent les dames dans l'état où elles étaient avant leur mariage. Un avantage aussi précieux doit se payer fort cher, aussi les bains d'eucharis coutent-ils cent francs chaque.

Les troisièmes, les bains de Calypso achèvent la métamorphose. Ils ont, dit Mme Dulac, la propriété de faire remonter la gorge et de faire reparaitre les boutons de rose sur les hémisphères d'albâtre. Ces derniers se payent deux cent francs chaque et il en faut prendre sept consécutivement pour en voir les merveilleux effets.

Charmant programme, mais qui n'est pas vraiment du goût des médecins et des pharmaciens du conseil de salubrité, dont l'une des attribution est de luter contre le charlatanisme. Ils ajoutent, avec assez peu de galanterie, que la dame Dulac « ne s'est pas rajeunie elle-même, ce qui auroit été une prévention favorable à sa découverte » et concluent que :

C'est une jonglerie d'autant plus ridicule et blamable qu'il est à Paris un grand nombre de coquettes surannées assez folles pour tenter l'expérience.

Les élixirs de la dame Dulac ne sont donc pas autorisés. Ce qui n'empêche que, 180 ans plus tard, on trouve des gogos pour payer fort cher des injections de poison dans le visage pour faire disparaitre leurs rides. Il est à craindre toutefois que la toxine botulique n'ai guère d'effet sur les boutons de rose des globes d'albâtre.

Le Plume vous salue bien.

* Lettre du conseil de salubrité au préfet de la Seine, 12 juillet 1821, rapport n°143 du recueil pour l'année 1821.

[appareil Voigtlander Bessa 1, film Ilford HP5+ (120)]

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