27 mai 2019

Après le vote

Lendemain d'élections européennes — gueule de bois ? N'exagérons rien : ce n'est pas les deux verres de blancs avalés à la mairie après une (presque) journée à faire tourner un bureau de vote qui m'auraient fait un effet pareil. Plutôt une quantité de réflexions, interrogations, hypothèses et projections, pas forcément des plus plaisantes.

La première remarque : les partis sont mortels. Après deux ou trois décennies d'une grande stabilité des partis politiques français, nous sommes entrés dans une ère de flux. Certains relativement nouveaux semblent avoir déjà leur avenir derrière eux ; d'autres semblent devoir être moins éphémères qu'il n'y paraissait. Et, surtout, l'un des plus notoires d'entre eux semble en voie d'effacement.


Illustration mystère. Je laisse le lecteur deviner de quoi il s'agit.

Ce qui est embêtant, bien sûr, c'est que ce parti, c'est le mien. Comment le parti socialiste en est-il arrivé là ? Pour être honnête, ses dernières heures avaient été annoncées moultes fois mais, comme l'écrivait à peu près Mark Twain de son vivant, « les nouvelles de sa mort étaient très exagérées. » N'écrivait-on pas, en 1995, que François Mitterrand laisserait le PS dans l'état où il l'avait trouvé — à 5,6% ? Avaient suivi le beau résultat de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle ; puis, après la malencontreuse dissolution de Chirac et Juppé, les grandes heures de la « gauche plurielle. » Aux élections suivantes, c'est cette fois-ci un premier tour calamiteux qui lance à tout vent les faire-part de décès politique. Mais la décennie voit la montée des exécutifs locaux socialistes, dans les villes et les régions. Peut-être le ver était-il dans le fruit : lorsque l'on « prend » un bastion conservateur comme Rouen ou Lyon, qui a le plus changé ? La ville ou le parti ?

Mais pour que la chute commence il a fallu que le parti socialiste retrouve la présidence de la république. Les années Ayraud allaient cahin-caha ; de vraies difficultés pour faire fonctionner l'État, faire quelque chose du pouvoir enfin retrouvé... Puis, en 2014 Hollande décide d'un virage à droite en nommant Manuel Valls premier ministre. Pour moi, c'était là le coup fatal, que les crises suivantes n'ont fait que mettre en évidence : un président de la république socialiste nommait un premier ministre socialiste qui était totalement inacceptable non seulement pour les autres partis de gauche mais aussi par une bonne partie de son propre parti. Comment l'ancien premier secrétaire, artiste hors pair de la synthèse, a-t-il pu croire que c'était jouable ?

La suite, on la connait : crises gouvernementales à répétition, et notamment l'incroyable épisode de la déchéance de nationalité donnant en spectacle un tandem exécutif totalement sourds aux rappels des valeurs de la gauche ; ces abominables primaires, ensuite (une monstruosité dans notre système politique de toute façon), faisant s'affronter deux figures ultraminoritaires au sein du parti, l'un sur le flanc gauche et l'autre sur le flanc droit, comme si tout ce qu'il y avait entre les deux s'était d'un seul coup volatilisé ; le résultat ridicule et ridiculement prévisible...

Les élections d'hier ont simplement confirmé que, depuis 2017, rien n'avait changé. Peut-on sortir de ce trou-là ? Je ne sais pas. Si je suis toujours adhérent, c'est que je l'espère... Mais le petit jeu de Jekyll et Hyde, où l'on soutient dans l'opposition l'inverse de ce que l'on affirmait au gouvernement, trouve clairement ses limites. Et, à ma relative surprise, la coalition d'Emmanuel Macron s'avère nettement plus robuste qu'on aurait pu le penser — mais sans doute est-ce là un effet plus qu'une cause : lorsque de part et d'autre de la Macronie il n'y a que le néant, il n'y a guère de raisons de s'éloigner...

Alors, maintenant, quoi : faut-il se résigner à une carte électorale patchwork de jaune et de brun ? J'espère que non. Mais le compromis subtil que représente par essence le socialisme de gouvernement, fait de rêves de changement malgré les contraintes du réel, ne sera pas facile à remettre sur pied.

Le Plume vous salue bien

Matériel photo : boîtier Pentax MZ5n, objectif SMC-Pentax M 50mm f:1.4, film Ilford FP4+.


1 commentaire:

Sel a dit…

Je vote pour des fanons de baleine, probablement au Museum ?
Pour la carte électorale patchwork, ceci étant, je ne suis pas persuadée que la bipolarité soit une excellente chose non plus, on voit bien que cela ne marche pas pour représenter tout le monde.