Parlons un peu des primaires américaines, tiens.
Déjà, c'est quoi, cette histoire ? En définitive, un mécanisme interne à chaque parti pour désigner leur candidat à l'élection présidentielle. Un peu comme on a fait en France pour choisir le candidat socialiste - et comme on l'a vu aux États-Unis avec John Kerry en 2004 et en France au P.S. l'an dernier, ce n'est pas forcément le meilleur lapin qui sort du chapeau. Mais d'un autre côté, à partir du moment où on a un système électoral qui prévoit l'élection d'un individu au suffrage universel, ce n'est pas forcément le pire système pour choisir son candidat.1
Essentiellement, donc, un système organisé au niveau de chaque parti, qui en fixe les règles et le calendrier. Et au niveau de chaque État, puisqu'on est dans un État fédéral. Libre bien sûr aux partis de s'entendre sur le calendrier, et aux législatures des États de participer à l'organisation du scrutin. Les deux partis ont en commun un système indirect, les électeurs désignant des délégués, qui eux même désignent les candidats ; par ailleurs, dans la majorité des États, le jour de la primaire est la même pour les deux partis. Pour autant, démocrates et républicains n'ont pas les mêmes systèmes de désignation des délégués, les démocrates ayant généralement des systèmes plus complexes avec une bonne dose de proportionnelle.
Autre phénomène : les primaires ayant lieu État par État, les branches locales des partis dans chaque État veulent avoir le plus de poids possible dans le choix des candidats. Habituellement, les choses se décantent assez vite, dès les premiers États consultés : les candidats qui n'arrivent pas à décoller en terme de nombre de délégués abandonnent, et l'affaire est réglée. Résultat, en préparation de cette année, ça a été la bagarre générale : tout le monde voulait être dans les premiers. Les partis (au niveau fédéral) ont dû bagarrer ferme contre leur sections pour mettre de l'ordre là-dedans : quelques États passaient en premier (notamment l'Iowa, qui ouvre le bal avec les premiers caucuses2, puis le New Hampshire avec les premières primaires : c'est une tradition bien établie), puis la moitié des États votaient ensemble au Super Tuesday, le 5 février. Les démocrates de Floride et du Michigan avaient maintenu des primaires avant cette date malgré le refus absolu du parti au niveau fédéral ; celui ci étant maître de la Convention, où les délégués élisent le candidat, il en refusera l'accès aux délégués de ces États indisciplinés...
Les États qui votaient après le Super Tuesday étaient ceux où, finalement, on s'était un peu désintéressé de la question. On votera quand on votera, tant pis pour le feu des projecteurs, etc. La Pennsylvanie, par exemple, avait maintenu une date très tardive : le 22 avril. Genre, tout sera peut-être déjà décidé, mais au moins, on ira voter un beau jour de printemps.
Philadelphie (Pennsylvanie) : l'église épiscopalienne de Christ Church, décembre 2006.
Ironie du sort : si, chez les républicains, les choses étaient effectivement pliées au soir du Super Tuesday (les deux candidats restant face à McCain étant sans aucune crédibilité), chez les démocrates, rien n'était fait. Et rien n'est fait encore aujourd'hui, les victoires d'Hillary Clinton dans l'Ohio, le Rhode Island, et au Texas3 n'ayant que très modestement entamé l'avance de Barack Obama du fait de la représentation proporionnelle : elle ne rattrape qu'une dizaine de délégués, alors qu'elle en a une centaine de retard...
La primaire de Pennsylvanie, qui aurait du être une simple formalité reléguée aux pages intérieures des journaux, sera donc cette fois-ci cruciale. Ça devrait éviter les bagarres pour être en tête de calendrier, la prochaine fois !
Le Plume vous salue bien.
1 Maintenant, je ne suis pas du tout chaud pour l'élection du chef de l'État au suffrage universel. D'ailleurs, on voit le résultat... Mais c'est là un autre débat.
2 Caucus, mot que l'on entend régulièrement à propos des primaires américaines, mais que les journalistes ne se donne généralement pas la peine d'expliquer, et pour cause. Pour faire court, il s'agit de la désignation des délégués lors d'assemblées générales, et non par un vote à bulletin secret.
3 Enfin, au Texas, en partie : le mode de désignation des délégués y est effroyablement compliqué, avec une primaire dans la journée désignant les deux tiers des délégués, suivies par des caucuses désignant le dernier tiers ; à cela s'ajoute des tas de subtilités concernant la répartition des délégués par circonscriptions... Il semble donc qu'Hillary Clinton ait gagné les primaires, et Barack Obama les caucuses, et qu'ils soient presque à égalité en nombre de délégués au niveau de l'État.
Qui a lut jusqu'au bout ? Il y aura interro !
2 commentaires:
Rhah, enfin un blogueur français qui a remarqué que le fait qu'Hillary remportait trois états ne lui faisait pas rattraper son retard pour autant... (je n'en attendais pas moins de toi) Et je ne crois pas que la Pennsylvanie pourra y changer grand chose non plus. Pour combler un retard d'une centaine de délégués, il faudrait qu'elle gagne toutes les primaires restantes, avec des scores de l'ordre de 65 %.
La morale de l'histoire est plus mordante pour la Floride et le Michigan qui ont avancé leurs primaires pour pouvoir (croyaient-ils) jouer un rôle décisif... et qui se retrouvent privés de délégués et en train de réaliser que s'ils avaient maintenu leurs primaires à l'ancienne date, ben, ils joueraient un rôle décisif.
Obama se spécialise dans l'addition de petites contributions : sa fortune de campagne provient en majorité de petits dons (moins de 1000 $), son avance dans les délégués provient en majorité de petits états, où sa concurrente n'a pas daigné faire campagne ("ce qui compte, c'est les grands états, comme le Texas et l'Ohio"). Oui, mais avec un système proportionnel par états, remporter un petit état avec une avance de 20 % donne plus de marge en délégués que remporter un grand état avec une avance de 1 %... dailyKos pronostique qu'Obama pourrait reprendre une dizaine de délégués entre samedi (Wyoming) et mardi (Mississipi).
Coucou le Nicholas!
ouaip, Obama est en passe de réussir la campagne dont Howard Dean avait rêvé il y a quatre ans. Dean ne s'est pas exprimé sur la question, étant contraint à la neutralité par ses fonction de président du parti démocrate, mais son ancien manager de campagne, Joe Trippi, ne s'y est pas trompé.
pour la stratégie d'HRC en Pennsylvanie: il ne s'agit pas tant de rattraper le retard en délégués que d'arriver à la Convention avec une forte dynamique en sa faveur pour tenter d'influencer les "superdélégués"... j'en reparlerai!
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