Jusqu'au dix-neuvième siècle, lorsque l'on parle de charbon, c'est de charbon de bois qu'il s'agit. D'ailleurs, lorsque l'on commence à rationaliser l'exploitation forestière, c'est essentiellement en vue de la production de charbon : on exploite le bois en taillis, c'est à dire en coupant au bout d'une quinzaine d'années et sans se préoccuper de dessoucher. La marine impose seulement le ballivage dans les forêts domaniales : les forestiers marquent un certain nombre de troncs dans chaque parcelle qui seront épargnés à la coupe et continuent à pousser - on obtient alors le taillis sous futaie, une sorte de forêt à deux étages. Mais l'essentiel du bois coupé vient du taillis et donne des bûches d'une dizaine de centimètres de diamètre que l'on appelle, précisément, des charbonnettes. Les charbonniers les assemblent en meule dans une clairière, les recouvrent partiellement de terre et y mettent le feu. La lente combustion anaérobie du bois laisse subsister le charbon, c'est-à-dire du carbone à peu près pur.
Toute la métallurgie d'alors repose essentiellement sur le charbon de bois ; il est indispensable dans les hauts fourneaux mais aussi à toutes les étapes de la réduction du plomb et du cuivre. Le seul cas où l'on utilise des bûches, c'est pour extraire l'argent du plomb argentifère dans les grandes coupelles - et encore, on finit par trouver plus efficace d'utiliser une chaufferie au charbon. Quant au forgeron ou au maréchal-ferrand de village, ils seraient bien en peine d'obtenir au feu de bûche les températures dont ils ont besoin.
Puit de mine à Rochamp, Haute-Saône, juillet 2005.
En France où l'on a des forêts en grandes quantités, on se satisfait de cette situation. En Angleterre, beaucoup moins boisée, c'est plus délicat - d'autant que les charbonniers britanniques n'importent que vers 1740 les méthodes de leurs homologues français, beaucoup plus efficaces. Comme en plus il n'y a qu'à se baisser pour trouver de la houille, pourquoi se priver ? Alors, on utilise d'abord ce charbon (charbon de terre en français, pittcoal en Anglais) pour se chauffer, au poêle car une cheminée classique serait vite trop goudronnée pour être utilisable. Le maréchal-ferrand et le forgeron s'y mettent vite, ainsi que les saulniers, vu qu'évaporer l'eau de mer au soleil, quand on est du côté de Newcastle, c'est pas forcément gagné.
Mais pour la métallurgie, le charbon de bois reste irremplaçable : trop bitumineux, le charbon de terre boucherait les fours métallurgiques ; et surtout, il contient une forte quantité de souffre, et quand on réduit du minerai, on veut en ôter le souffre s'il y en a, surtout pas en rajouter : le résultat serait inutilisable.
Heureusement, les Anglais boivent, comme chacun sait, de grandes quantités de bière. Or, pour faire de la bière, il faut torréfier le malt, et faire ça au charbon de bois devenait coûteux. Au charbon de terre, c'est catastrophique, pour la même raison qu'en métallurgie : le client ne souhaite pas particulièrement que sa bière sente le souffre. Mais les brasseurs sont des gens de ressource : ils ont l'idée de torréfier le charbon de terre lui-même pour le débarasser de ses goudrons et de son souffre. Ce charbon cuit (cooked), c'est, vous l'avez deviné, le coke.
En 1709, un maître de forge du Shropshire, Abraham Darby, qui fut apprenti brasseur, a l'idée de remplacer le charbon de bois par le coke, et ça marche. Enfin à peu près, mais ceci est une autre histoire. Le charbon de terre est prêt à devenir la source d'énergie de la révolution industrielle.
Le Plume vous salue bien.
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