26 septembre 2006

Machinisme agricole

Pour se changer les idées, une photo du musée de la vie rurale de Grazzano-Visconti - reconstruction Belle Époque d'un village à l'ancienne d'Émilie-Romagne, je vous en avais parlé peu après l'avoir visité. On y trouve, paradoxalement, une jolie collection consacrée au machinisme agricole.


Tracteur à chenille Fiat de l'Entre-deux-guerres, Grazzano-Visconti, 9 juillet 2005.

Pourquoi vous montrer ça ? Parce qu'en ces temps de José-Bovisme et de condamnation quasi-unanime de l'« agriculture productiviste » il n'est pas mauvais de réfléchir à ce qu'a été la modernisation des agricultures européennes.

Imaginons un agronome de la fin du XVIIIe siècle transporté dans notre époque. Moyens de communication, éclairage, transports : tout cela l'intéresserait sans aucun doute - mais ce qui lui semblerait absolument incroyable, c'est qu'avec 7% seulement de la population active, le problème n°1 de l'agriculture française, ce soit la surproduction. Pourtant, conformément d'ailleurs aux préceptes qu'il enseignait sans aucun doute à son époque, les surfaces emblavées ont diminué nettement au profit des pâturages, des légumes de plein champ et des oléagineux. Et pourtant, la production de blé seule dépasse largement la consommation, sans compter ce qu'il nomme le blé d'Espagne - le maïs. Que s'est-il passé ?

Trois choses, essentiellement :

  • d'abord, les agronomes, continuant les travaux entrepris dès l'époque des Lumières, ont sélectionné et croisé les espèces pour obtenir les variétés (végétales ou animales) les plus propres à l'agriculture ;
  • ensuite, les chimistes du XIXe siècle, ayant analysé les sols, ont noté la raréfaction de certains éléments pendant la culture ; les progrès de la chimie ont permis de réapprovisionner les sols de ces substances, rendant les jachères (qui occupaient un tiers, voire la moitié, des terres arables) moins nécessaires et augmentant considérablement les rendements ;
  • pour finir, fin XIXe - début XXe siècle, ce sont les progrès de la mécanique qui ont apporté leur contribution, d'abord sous forme de machine à vapeur (les locomobiles, utilisées essentiellement pour le battage), puis de moteurs à explosion montés sur des tracteurs.

Ne pas négliger ce qu'apporte ce troisième point, non seulement en terme de productivité des hommes mais aussi de rendement des terres : sans même parler du gain considérable dû aux labours profonds, pensons à la course contre la montre des moissons : le grain est mûr, il faut moissonner, mais à la faucille, même collectivement, ça prend du temps, et le temps presse : les gros nuages noirs qui s'accumulent à l'horizon, ce peut être un orage qui couche des champs entiers - comment mangeront ceux dont la récolte a été détruite ?

Elle est facile, la nostalgie des temps anciens. Quand on mange à sa faim, on peut bien regretter le temps des battages au fléau et des attelages de bœufs qui tiraient la charrue... N'oublions pas que, malgré tous les dicours sur la malbouffe, dans nos pays, on n'a jamais vécu aussi longtemps.

Le Plume vous salue bien.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ni aussi grassouillets! ;-)

Anonyme a dit…

Ma premiere reaction sera un "ouich" vigoureux.
Ensuite j'ajouterai en passant que j'apprend plein de trucs sur ce blog, et que je me demande ou tu vas chercher tout ca (les reponses calibrees sur le modele "dans ton cul" sont prohibees merci). Plus serieusement, tes domaines d'expertises semblent multiples : navigation, geographie, politique, histoire.... Y en a d'autres des comme ca?
Et enfin pour terminer, en reaction a cette fascinante note : venant de la Bretagne, la surproduction c'est un probleme que je vois beaucoup autour de moi. On se demande pourquoi les gens qui produisent du porc continuent a faire du porc sachant qu'il se vendra mal, que ca pollue et last but not least que ca empuanti toute la region. La meme chose s'applique aux choux-fleurs et au lait de vache. Dans ta science immense, pourrais-tu m'expliquer pourquoi certains agriculteurs qui ne sont surement pas plus cons que les autres s'acharnent a produire des trucs dont personne ne veut, tombent des nues quand ils realisent que le prix de leurs produits s'effondre alors que c'est comme ca depuis 20 ans, et ensuite viennent decharger des bennes des produits susnommes sur la 4 voie dans une protestation incomprehensible, car je ne vois serieusement pas a qui ils peuvent s'en prendre?

Le Plume a dit…

ouarf, pas facile de répondre à un comm comme ça!

Je n'ai pas de réponse simple à la question, évidemment. Clair que, mangeant comme tout le monde 1/4 d'artichaud en moyenne par an, je m'étonne qu'on en remplisse les champs de Trégor et Léon...

Le point de vue de l'historien, ce serait que le choix des productions agricoles n'a jamais été (ou n'a jamais été seulement) un choix individuel de l'agriculteur, qui n'est pas un homo economicus isolé. Il y avait des contraintes coutumières au niveau du finage; il y a maintenant la pression des coopératives, qui gèrent une bonne partie des achats et des ventes de la petite agriculture...

Mais bon, ça ne répond pas à la question, c'est juste une piste de réflexion. Et si on pouvait virer l'élevage de cochons qui voisinne le péage de Vitré, ce serait pas mal: quand on arrive par l'autoroute, on a envie de faire demi-tour direct.

Anonyme a dit…

Je vais importer une fiole de peste porcine.
Au debut ils hurleront tous au scandale, mais tu verras, ils me remercieront a la fin. Enfin les agriculteurs je sais pas, la PAC surement.
(tout de meme, l'agriculture bio a bien le vent en poupe en ce moment : est-ce que ca ne pourrait pas apporter un debut de solution en brisant notament le pouvoir ds cooperatives qui ont l'air d'obliger les gens a produire des trucs peu rentables? Entre parenthese on se demande pourquoi les agriculteurs ne s'en prennent pas aux cooperatives au lieu de s'en prendre a l'Etat et au consommateur alors!)